E-administration et identité : les services de l’Etat et des collectivités locales en première ligne

Au cœur des défis à relever, la transformation numérique des services de l’Etat a connu un nouvel élan en automne 2017 avec le lancement du programme Action publique 2022, dont l’objectif annoncé est la dématérialisation de 100% des démarches administratives d’ici 2022. Identité, confiance et fracture numériques, expérience utilisateur, interopérabilité des services… les enjeux sont de taille pour la France qui ne se situe qu’à la 13ème place européenne en matière de services publics numérique, d’après le Digital economy and society index publié en mai 2018. Dans ce contexte, une journée entière a été dédiée à l’identité numérique – l’ID Forum – lors du premier jour de la deuxième édition du Forum international de la cybersécurité (FIC), invitant les acteurs privés et publics à échanger sur ces défis à relever.

Par Hugo Champion

Les collectivités territoriales en première ligne

Le numérique est devenu un élément incontournable dans la relation citoyen-élu, permettant aux collectivités de « fluidifier les relations avec les citoyens, tout en faisant des économies sur les dépenses publiques » explique Anne Le Henanff, adjointe au maire de Vannes. Le développement de l’e-administration, incarné par FranceConnect, est une aubaine pour les maires dont « la responsabilité est de protéger les données collectées sur les citoyens », rappelle la mairesse adjointe de Vannes. C’est pourquoi la fragile relation de confiance entre le citoyen et son élu doit retenir une attention toute particulière de la part des élus ainsi que des agents de la collectivité. Dans ce contexte, FranceConnect remplit un rôle « de tiers de confiance pour permettre aux fournisseurs de données de transmettre aux administrations les informations nécessaires au traitement d’une demande, et toujours avec le consentement de l’usager », explique Lionel Fouillen, responsable des relations partenaires chez FranceConnect. Et ce dernier de rappeler qu’aujourd’hui, environ « 14 millions de citoyens utilisent la plateforme depuis sa création en 2016. L’objectif est d’atteindre 25 millions d’usagers d’ici 2021 ». La certification par l’ANSSI selon le règlement eIDAS du niveau de garantie substantiel (deuxième pallier de niveau de confiance) de la plateforme numérique française, illustre la volonté de FranceConnect de mettre la confiance au cœur de ses enjeux et de ses objectifs. Condition préalable d’une transformation numérique réussie, la sécurisation de l’identité numérique facilitera la relation de confiance entre le citoyen, l’élu et les agents. C’est pourquoi la formation de ces derniers aux outils du numérique est crucial pour faciliter l’expérience utilisateur, et que le citoyen ait accès à son « trousseau numérique » en toute sécurité.

L’indispensable acculturation des agents publics aux enjeux du numérique

Ce cadre de confiance reste néanmoins difficile à bâtir, notamment en raison de la complexité et de la multiplication des législations qui prennent souvent de vitesse les petites collectivités. En effet, le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) leur impose de désigner un délégué à la protection des données (DPO ou Data Protection Officer), bien qu’elles se trouvent souvent dans l’impossibilité de recruter ce dernier, faute de moyens. « C’est pourquoi nous les accompagnons au quotidien. Nous organisons régulièrement des conférences avec des acteurs publics (la DINSIC3, la CNIL4, le ministère de la Justice, le CGET5, la DGFIP6, etc.) et des collectivités innovantes pour sensibiliser, informer, proposer des solutions et partager les bonnes pratiques en matière de numérique dans les territoires », explique Emmanuel Vivé, directeur de l’Association pour le développement et l’innovation numérique des collectivités (Adico) et président de Déclic, un réseau d’échange d’informations entre structures de mutualisation informatique (SMI) et opérateurs publics de services numériques (OPSN). Les communes se trouvent désarmés face aux évolutions numériques. En effet, « de nombreuses communes ne savent même pas où se situent les données des citoyens et tendent alors à déléguer au privé », explique Anne Le Henanff. C’est pourquoi la formation des agents publics aux pratiques du numérique devient capitale. Ainsi, le Centre National Fonction Publique Territoriale (CNFPT) doit former 100.000 médiateurs numériques territoriaux et 300.000 agents territoriaux en difficulté d’appropriation des usages des outils et services numériques. Dans ce contexte de manque crucial d’agents, le CNPFT propose une offre de service qui se déploie dans trois dimensions : la maîtrise des nouveaux outils numériques, l’inclusion numérique des agents et des usagers et la transformation des systèmes d’information. Afin d’accompagner les agents dans l’utilisation des nouveaux outils connectés et à l’acquisition des compétences et connaissances numériques, le CNFPT lance sa nouvelle offre bureautique et numérique. Concrètement, celle-ci se compose de stages de « découverte de l’outil informatique et numérique » pour permettre à l’agent d’identifier les principaux composants périphériques et réseaux, de personnaliser et sécuriser son poste de travail, d’utiliser des applications. Les stages « Compétences bureautiques et numériques » sont adaptés au niveau de chaque agent et peuvent donner lieu à une certification. Enfin, un stage « Culture numérique » permet de définir la culture numérique et d’en comprendre les enjeux et de s’approprier la citoyenneté numérique.

Le numérique pour tous et partout : le défi de l’inclusion

Un rapport préconisant une « Stratégie pour un numérique inclusif » remis le 28 mai 2018 à Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, fait état d’environ 13 millions de Français qui demeurent éloignés du numérique : ils n’utilisent pas ou peu Internet, et se sentent en difficulté avec ses usages. Ainsi, la problématique de l’exclusion numérique invite toutes les parties prenantes à prendre les mesures nécessaires pour inclure la totalité des citoyens. En effet, « l’objectif est de faire émerger des services inclusifs, exploitant simultanément le numérique et les ressources physiques (points de présence, visites à domicile) pour ne laisser personne à l’écart », explique Fabien Ferrezza, Directeur Secteur Public chez DOCAPOSTE, filiale numérique du Groupe La Poste. Afin de lutter contre cet illectronisme, le gouvernement prévoit de former environ 1,5 millions de citoyens chaque année, par le biais de différents dispositifs, et grâce à un financement à hauteur de 100 millions d’euros sur plusieurs années, en provenance entre autres de l’Etat et de la Banque des territoires. Ces initiatives témoignent de la volonté du gouvernement d’offrir les meilleurs chances aux collectivités locales et aux citoyens de s’adapter au nouvel écosystème numérique qui se met en place. Et Anne Le Henanff de rappeler que « plus on dématérialise, plus il faut de la présence humaine ! ».

Si des efforts sont encore attendus, notamment sur la nécessité d’acculturer les agents publics et les citoyens détachés de l’écosystème numérique, des initiatives sont lancées par le gouvernement, les collectivités locales et le secteur privé. Parmi ces initiatives, le plan gouvernemental pour un numérique inclusif prévoit d’encadrer les aidants numériques « qui font à la place de ». Pour ce faire, un outil « FranceConnect aidants » sera expérimenté, afin que l’aidant puisse s’identifier comme un tiers réalisant une démarche administrative en ligne à la place d’une personne ne parvenant pas à les faire seule. Et Lionel Fouillen de proposer « un rendez-vous dans quelques mois pour faire un retour d’expérience ».