E-santé : accélération et progrès en vue

La E-santé est en plein essor. La France a profité de la Présidence du Conseil de l’UE pour porter le sujet à Bruxelles et accélérer le développement d’un secteur d’activité en pleine croissance. Sur ce marché en plein boom, dans lequel les start-up innovent sans relâche, les autorités cherchent à associer éthique, interopérabilité à l’échelle européenne et cybersécurité à cette marche en avant de la E-santé.

Par Alexandre Guichard

Le 3 mai dernier, la Commission européenne a lancé l’espace européen des données de santé (EHDS). Ses ambitions ? Donner aux citoyens « le pouvoir de contrôler et d’utiliser leurs données de santé, tant dans leur pays d’origine que dans d’autres Etats membres »1, favoriser la naissance d’un « véritable marché unique des produits et services de santé numérique »2 et offrir un « cadre cohérent, fiable et efficace pour l’utilisation des données de santé à des fins de recherche, d’innovation, d’élaboration des politiques et de réglementation, tout en garantissant le plein respect des normes élevées de l’UE en matière de protection des données »3. L’espace européen des données de santé va générer une collecte colossale, qui « constituera une mine d’or pour les scientifiques, les chercheurs, les innovateurs et les décideurs travaillant sur le prochain traitement vital »4 selon la Commissaire européen à la Santé et à la Politique des consommateurs, Stélla Kyriakídou.

La France joue un rôle majeur dans le développement de la E-santé sur le continent européen, en témoigne la décision de la Commission européenne de choisir le consortium mené par le Health Data Hub (HDH) pour « mettre en place un projet pilote de lEspace européen des données de santé »5. Celui-ci réunit « seize partenaires, issus dune dizaine de pays européens »6. Durant sa Présidence du Conseil de l’UE, le gouvernement d’Emmanuel Macron, par l’intermédiaire de l’Agence du numérique en santé a érigé en priorité la mise en œuvre de pré-requis éthiques bâtissant la confiance citoyenne dans la E-santé : soit, l’inscription de la E-santé dans un cadre de valeurs humanistes, le don aux citoyens de la maîtrise de leurs données de santé, l’inclusivité et la mise en œuvre d’un numérique en santé éco-responsable7.

Continuité des soins

Paris s’est également distingué par son rôle dans la mise en place du programme « MyHealth@EU » qui vise à garantir l’interopérabilité entre les professionnels de la santé sur le continent. « A l’échelle européenne, les échanges de données de santé commencent à devenir une réalité » dévoile Marc Loutrel, le directeur Expertise, Innovation et International de l’Agence du numérique en santé (ANS).

Concrètement, depuis 2021, moyennant son consentement, un patient peut partager son historique médical avec un professionnel de santé étranger, traduit dans la langue de ce dernier et facilitant la continuité des soins. Ce dispositif est peu à peu introduit dans 22 pays de l’Union européenne8, et représente une réponse partielle à un « véritable enjeu de souveraineté face aux solutions américaines ou coréennes » selon Marc Loutrel.

La souveraineté est également un enjeu à l’échelle nationale, c’est pourquoi il existe des exigences destinées aux éditeurs de logiciels traitant les données de santé, érigeant en priorité l’interopérabilité et la cybersécurité. Elles sont renforcées depuis fin 2020 par le Ségur du numérique en santé, « doté de deux milliards deuros et chargé de laccélération de la E-santé en France » indique Marc Loutrel. Et d’ajouter : « Nous essayons d’être incitatifs, en finançant les éditeurs de logiciels afin quils soient référencés. Le mécanisme de financement se poursuit également sur la phase de déploiement sur le territoire, que nous supervisons ».

78 milliards en 2025

Le marché de la E-santé se distingue par sa croissance exponentielle, bâtie sur un contexte favorable issu de la pandémie de Covid-19. Selon Statista, les ventes mondiales devraient atteindre un peu plus de 78 milliards d’euros dans le secteur en 2025, alors qu’elles sont estimées à 57,3 milliards d’euros pour l’année 2022, le marché pour les consommateurs voyant son chiffre d’affaires augmenter de 60% d’ici 20259.

L’un des axes de développement de la E-santé réside dans la captation de constantes médicales, à l’instar du rythme cardiaque, de l’oxygénation du sang et de la fréquence respiratoire. « A lAgence, nous portons le lancement dun système de référencement sur les dispositifs de télésurveillance, et donc, de dispositifs médico-numériques. Dans ce secteur, cest plus quune lueur despoir, cela va nous donner la possibilité d’accompagner des patients qui sont atteints de maladies cardiaques, dinsuffisances rénales ou de diabète, en apportant des solutions concrètes. Le lien direct avec linnovation est la présence de start-up dans ce champ précis » explique Marc Loutrel. Deux start-up françaises étaient présentes au CES de Las Vegas en janvier dernier, pour proposer des technologies de captation des indicateurs. Si « Circular mise sur une bague connectée, assortie d’une application, () Quantiq veut utiliser n’importe quelle caméra »10. Des avancées qui permettront un meilleur suivi du patient, que cela soit à domicile ou dans des structures médico-sociales. La télémédecine vient également en aide aux populations isolées en cas de catastrophe naturelle, comme ce fut le cas en octobre 2020, dans la vallée de la Roya. Les violentes inondations avaient coupé les habitants de la vallée du reste du monde. « Les habitants avaient pu bénéficier de téléconsultations dans les pharmacies de la zone, avec des stéthoscopes connectés notamment » rappelle le haut-fonctionnaire.

« Les principaux progrès attendus résident dans larrivée de meilleurs outils numériques pour laide à la décision médicale, lexploration de scénarios via des essais cliniques ou les jumeaux numériques, mais également lanticipation du parcours de soin, avec lambition d’être de plus en plus prédictif » annonce Anne Jouvanceau, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Et de conclure : « Nous devons passer de la météorologie à la climatologie ». En d’autres termes, prédire pour prévenir ou guérir.

1 Commission européenne : « Union européenne de la santé: Un espace européen des données de santé pour les personnes et pour la science ».

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Ibid.

5 Health Data Hub, « Lancement d’un projet pilote pour l’Espace européen des données de santé »

6 Ibid.

7 Présidence française du Conseil de l’UE « principes européens pour l’éthique du numérique en santé »

8 Agence du numérique en santé : « MyHealth@EU Program in France ».

9 Villiers Claire « E-santé : un marché gigantesque », Statista

10 Goulard Hortense, « Au CES de Las Vegas, une bague intelligente et une webcam pour surveiller sa santé », Les Echos