La sécurité au cœur des grands évènements : entre stratégie et coopération

La première édition des Jeudis de la sécurité organisés par S&D Magazine et Milipol Paris a tenu ses promesses.
Autour du thème de la sécurité des grands évènements, une dizaine d’experts se sont succédés abordant la sécurité de l’Euro, les enseignements, et comment capitaliser cette expérience pour 2024. Les enjeux de la sécurité privée mais aussi les particularités des évènements d’Etat et des évènements culturels ont été abordés.

Quelle place pour la technologie, quelle coopération des acteurs ? De nombreuses questions ont été soulevées et posées par un public venu nombreux.

Parmi les enjeux majeurs, la lutte contre le terrorisme et les cyberattaques ont pris largement part dans les débats, tout comme l’importance de renforcer une coordination et une coopération déjà fortes.

De l’Euro 2016 aux JO 2024 

Antony Piqueras, porte-parole de la candidature Paris 2024 a exposé les travaux conduits par le comité d’organisation « avec l’ensemble des acteurs clés : le ministère de l’intérieur, la préfecture de police de Paris, la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs… ». Dès l’Euro 2016, le comité d’organisation s’est déplacé pour comprendre le degré d’anticipation, l’organisation et les différents aspects de la sécurité au cœur d’un événement de cette ampleur. « Nous devions répondre au volet sécurité du dossier de candidature. Un volet conséquent. Aujourd’hui nous préparons le visite de la commission d’évaluation de la candidature composée de 11 membres experts, qui aura lieu du 13 au 17 mai » souligne Anthony Piqueras.

La sécurité, d’une obligation à une véritable stratégie

La sécurité est une nécessité. Elle est aussi une obligation. Mais est-elle aujourd’hui considérée comme une stratégie à part entière ? Le Préfet Nicolas Desforges, Délégué interministériel aux grands évènements sportifs répond par l’affirmatif, soulignant que cette stratégie de sécurité s’appuie sur plusieurs axes « anticipation et évaluation de la menace, articulation public-privé, coopération étroite avec les autorités judiciaires, coopération européenne appuyée et une unité de commandement forte ». Une stratégie de sécurité essentielle mais surtout « unique et partagée par tous pour être efficace » rappelle Ziad Khoury, Préfet en charge d’une mission de sécurité publique au ministère de l’intérieur et directeur de la sécurité-sûreté de l’Euro 2016.

L’Euro 2016 a représenté un risque systémique. Aujourd’hui, il est essentiel d’adopter une pédagogie de la sécurité « elle est l’affaire de tous » et d’avoir une priorité de sécurité « Il faut des arbitrages en faveur de la sécurité. Pas uniquement en termes financiers mais aussi en termes d’organisation ». Il faut une priorité de la sécurité dans le design même de l’évènement.

Un après attentats

Les attentats du 13 novembre ont fait évoluer certaines doctrines, mais surtout, des schémas d’intervention comme l’a précisé Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du RAID, ou encore Denis Fousse, directeur adjoint de la surveillance extérieure et des accès du musée du Louvre. En effet, le musée du Louvre qui reçoit chaque année près de 7,5 millions de visiteurs a formé son personnel «  des agents volontaires », aux côtés des sapeurs-pompiers de Paris, des forces de la préfecture de Paris, la BRI ou encore avec les forces de l’opération Sentinelle. En effet, le musée fut l’un des 3 sites dits historiques à initier un travail conjoint avec les militaires engagés dans cette opération dès les attentats de janvier 2015. Les évacuations prudentielles ont été intégrées aux process plus anciens des évacuations d’urgence. « Nous avons intégré par exemple la notion de poisson pilote pour que les agents formés sachent réagir et n’exercent pas leur droit de retrait en cas d’attaques terroristes. Nous sommes dans des établissements dédiés à la Culture. Au départ, nous ne sommes pas censés lutter contre le terrorisme. » De fait, les exercices avec la BRI se sont également intensifiés. Le dernier a réuni tous les acteurs sur le terrain « du primo-intervenant au préfet de police ».

Un schéma qui n’est pas sans rappeler celui du RAID ou du GIGN. « Les primo-intervenants ont en effet, suite aux attentats du Bataclan, étaient intégrés au schéma d’intervention » souligne Jean-Michel FauvergueC’est notamment l’un des points forts que partage cette unité avec ses homologues étrangers « Nous réalisons des formations, des échanges bilatéraux avec des unités amies comme l’unité spéciale d’intervention du Japon, la Special Assault Team (SAT) avec qui nous avons travaillé sur plusieurs axes en vue de la préparation des JO de Tokyo en 2020 ».

L’adaptation fut donc de mise après les attentats, mais les dispositifs définis bénéficiaient déjà d’un niveau de sécurité très haut « il ne s’agit pas de faire de la surenchère mais bien, en s’appuyant sur un travail d’anticipation, de concertation et de coordination, d’évaluer le degré et le niveau de la menace et d’adapter notre réponse en conséquence » ont souligné les intervenants de la première session et le Préfet Desforges de préciser « Grâce à notre anticipation et à notre stratégie partagée, les attentats ne nous ont pas surpris sur le plan conceptuel j’entends. Nous avons simplement adaptés et rehaussés certaines barres sur l’échelle des risques et des menaces. »

La place de la sécurité privée a également était évoquée. Qualifiée comme « incontournable », elle doit néanmoins « monter en gamme d’un point de vue qualitatif. La qualité des prestations d’une société à une autre varient considérablement ».

Christophe Bionne, ancien directeur sûreté du stade de France et Stéphane Cottin, directeur sûreté VIParis ont confirmé cet enjeu complexe de coordination des acteurs et de continuité des dispositifs.

Du terrorisme et de la cyberattaque 

Lutter contre le terrorisme et parer les cyberattaques sont les deux grands enjeux soulignés lors des Jeudis de la sécurité. Ziad Khoury a rappelé qu’il ne s’agit pas de savoir si l’on sera attaqué « mais où et quand ». Le 11 juin, quelque 900 000 attaques ont été détectées !

Loïc Guézo, Cybersecurity Strategist Southern Europe, Directeur chez Trend Micro, éditeur de logiciel numéro 1 au Japon, est revenu sur cette menace et l’enjeu systémique de la cyber au cœur des grands évènements. Reprenant de nombreux cas concrets, notre expert international a notamment souligné les attaques cyber survenues lors des JO de Rio « à l’encontre du comité d’organisation mais aussi sur les sponsors et les infrastructures critiques du pays ! » laissant imaginer le résultat d’une cyberattaque sur une infrastructure sensible en France… « transport, énergie, médias… » : les désastres peuvent être gigantesques. Ajoutant à cela les 20 milliards d’objets connectés attendus d’ici à 2020 et potentiellement le double en 2024… La réflexion proactive vitale sur ces enjeux ne peut donc plus être ignorée et doit être dés à présent prise en compte. Une alerte entendue par Antony Piqueras…

Loïc Guézo a enfin souligné un changement d’approche porté par Trend micro, impliqué sur la sécurité et la cybersécurité à la demande du gouvernement japonais, sur les JO 2020. En effet, d’une roue d’amélioration permanente lente dans son exécution et donc inadaptée au contexte d’organisation de Jeux olympiques, les experts cyber travaillent désormais sur une approche OODA (observe, oriente, décide, agit). « Il s’agit d’un modèle issu de l’armée américaine qui apporte plus de vitesse et de réactivité face à l’attaque »

Le travail de coopération franco-japonais déjà très avancé, se poursuivra le 24 avril prochain, lors d’un rendez-vous qui se déroulera en terres nippones, avec au programme un travail de coopération en matière de cyber entre les deux pays.

Feuille de route technologique

La question de l’apport des technologies dans la sécurité des grands évènements a bien entendu été évoquée. Antony Piqueras a en effet porté la thématique dès l’ouverture des débats, précisant les initiatives issues de « volontés conjointes » entre le ministère de l’intérieur et le comité d’organisation. Une volonté portée notamment par la Délégation ministérielle

aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces (DMISC) qui a reçu en février dernier le comité d’organisation des JO 2024 pour présenter autour de 5 thèmes clés les innovations technologiques d’entreprises françaises.

Deux entreprises innovantes ont quant à elles présenté leur savoir-faire lors des Jeudis de la sécurité. Alain Vernadat, Directeur général de Deveryware est revenu sur l’apport de la géolocalisation au cœur des grands événements « L’application gouvernementale d’alerte aux populations (SAIP) développée par Deveryware au profit du Ministère de l’intérieur permet de diffuser massivement en temps réel des messages d’alerte et/ou de vigilance géolocalisés. Via des notifications, l’application délivre des conseils comportementaux et les consignes adaptées à la nature de l’alerte. Elle permet de relayer sur les réseaux sociaux les alertes en cours pour une diffusion maximale des messages de sécurité. » Développée en marge de l’Euro 2016, l’Etat vient de renouveler sa confiance à la PME, pour une approche multi-risques.

D’ici à 2024, Alain Vernadat estime que les enjeux porteront sur « le croisement des fichiers en temps réel, le traitement en temps réel des flux, l’interaction avec les citoyens acteurs de la sécurité, et l’intelligence artificielle. »


A ses côtés, Bernard Leibovici, PDG de la société IMS (Groupe SDS) a présenté une innovation d’envergure. Nommé CODI-NR « Capacité Opérationnelle de Détection et d’Identification de matières Radiologiques et Nucléaires » ce projet vise à produire une solution innovante « portable et communicante de détection et d’identification des matières nucléaires et radiologiques, permettant d’engager rapidement les actions de prévention et de protection nécessaires. » La solution intégrée CODI-NR permettra de détecter une menace radiologique mais également d’avertir discrètement l’agent porteur de l’équipement, et de transmettre les informations en temps réel au poste de commandement ad hoc (police, sécurité…). Elle comprendra un spectromètre gamma de détection et d’identification des matières radioactives, un bracelet vibrant et un pager, tous fournis par des sociétés françaises. Elle sera enfin connectée aux réseaux GSM, PMR et compatible avec le monde de l’IoT. Elle devrait être disponible d’ici à 3 ans.

« Nous disposons d’un savoir-faire et de compétences que nous devons valoriser. Ceci est un atout dans une compétition internationale ouverte. » a souligné Antony Piqueras, qui s’est dit ouvert pour rencontrer les acteurs porteurs sur ce sujet. Mais au-delà de prendre en compte l’offre technologique, l’épineuse question de l’expression des besoins a été évoquée. Une feuille de route devrait être produite si la candidature de Paris est retenue. Le vote aura lieu le 13 septembre à Lima pour désigner la ville hôte.

En février dernier, dans une étude publiée par le CSA Research Paris serait préférée à Los Angeles dans la course aux JO par les Chinois et les pays émergents… Une tendance confirmée, mais moins marquée, auprès des pays-anglo-saxons. 42% des Britanniques choisissent Paris, 34% Los Angeles. Si les Américains choisissent Los Angeles à 47%, 41% d’entre eux penchent tout de même en faveur de la capitale française selon l’étude…

 

RDV pour la seconde édition : La sécurité des sites sensibles – 22 juin

Infos : event@sd-magazine.com / visit@milipol.com