Bataclan – L’enquête vérité

Par le président de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de Paris – Georges Fenech

Novembre 2017 : à l’occasion de la commémoration de l’attentat au Bataclan, les éditions Uppr présentent le dernier livre de Georges Fenech, Bataclan – L’enquête vérité.

L’enquête-vérité menée par l’ancien juge d’instruction et président de la commission d’enquête parlementaire sur la tragédie du Bataclan s’attache à répondre aux nombreuses questions qui hantent toujours les survivants, les familles des victimes et la nation tout entière :

1. Pourquoi la Justice n’a-t-elle pas alerté les exploitants des menaces précises qui pesaient sur le Bataclan, quand il en était encore temps ?
2. Pourquoi nos services de renseignement n’ont-ils pas été en capacité d’empêcher le passage à l’acte d’individus pourtant fichés « S » ?

3. Pourquoi n’a-t-on pas donné l’autorisation aux militaires de la force « Sentinelle », présente sur les lieux, d’engager le feu contre les terroristes ?
4. Pourquoi les forces d’élites ont-elles mis plus de 2h20 à de neutraliser les terroristes ?
5. Pourquoi les services de secours n’ont-ils pu immédiatement pénétrer dans la zone d’exclusion pour pratiquer les premiers soins d’urgence aux victimes grièvement blessées ? 6. Comment, depuis des décennies, a-t-on pu laisser prospérer le fléau de la délinquance, de la radicalisation et du communautarisme ?

Georges Fenech, expert de la lutte antiterroriste, nous livre ici un témoignage inédit qui a valeur de document.
Ancien juge d’instruction et ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), Georges Fenech est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Justice, la sécurité, les sectes et la politique.

Dans cet ouvrage, Georges Fenech développe sa réflexion et ses analyses en 11 chapitres, qui sont autant d’étapes pour mettre au jour les points les plus problématiques révélés par la commission d’enquête sur les attentats du 13novembre, qu’il a présidée. Selon lui, «Les failles du renseignement, de la police, de la Justice, ainsi que le manque de lucidité politique révélées par notre enquête doivent nous conduire sans perdre une minute à revoir tous nos logiciels. »

Aussi commence-t-il, dans un chapitre introductif, par rappeler brièvement les faits, pour s’engager au cœur du sujet : reprendre les questions qui hantent toujours les survivants et les familles des victimes. Ces questions sont les suivantes : Pourquoi les forces d’élites ont-elles mis 2h20, une éternité, avant de neutraliser les terroristes ? Pourquoi n’a-t-on pas donné l’autorisation aux militaires de la force « Sentinelle », pourtant présente devant le Bataclan, d’engager le feu contre les terroristes ? Pourquoi les services de secours ont-ils été interdits de pénétrer dans la zone d’exclusion, ce qui leur aurait permis de pratiquer les premiers soins d’urgence sur des nombreuses victimes grièvement blessées ? Pourquoi, quand il était encore temps, la Justice n’avait-elle pas alerté les exploitants de la salle que des menaces couchées sur procès-verbal pesaient sur elle ? Pourquoi nos services de renseignement n’ont-ils pas été en capacité d’empêcher le passage à l’acte d’individus pourtant fichés « S » ? Pourquoi, aussi, les responsables de tous bords de ces trente dernières années n’ont-ils pas mis en œuvre des politiques efficaces contre la radicalisation et le communautarisme, sources de tous les maux ? Et encore aujourd’hui, face à l’islamisme radical, comment comprendre cette attitude « munichoise », qui consiste à considérer ces jeunes kamikazes comme de simples sujets psychiatriques ou comme les premières victimes d’un système post- colonial porteur de discriminations ?

Le chapitre 2 reprend le détail, minute par minute, de cette terrible soirée, à partir des auditions et des témoignages recueillis par la commission d’enquête. Georges Fenech nous plonge au cœur de histoire en relatant le déplacement des membres de la commission d’enquête sur les lieux de la tragédie. L’enjeu était de comprendre, premièrement, pourquoi la BRI-P (Brigade de recherches et d’intervention de Paris) avait mis environ 2h20 pour neutraliser les deux derniers terroristes, alors que de nombreux blessés attendaient d’être secourus ; deuxièmement, pourquoi le RAID et le GIGN n’ont pas été choisis pour mener l’opération ; troisièmement, pourquoi les huit militaires de la force Sentinelle, pourtant présents dès le début de l’attaque, n’ont pas reçu l’ordre d’engager le feu. Georges Fenech apporte ici des premiers éléments de réponse, issus des témoignages directs des membres des forces de l’ordre intervenues ce soir-là. Une large place est faite au témoignage du commissaire divisionnaire X…, qui raconte dans le détail l’intervention héroïque qu’il a menée avec son chauffeur, aboutissant à l’élimination d’un terroriste à l’intérieur du Bataclan. Suivent les auditions et témoignages, notamment du commissaire Molmy, chef de la BRI-P, et de Jean-Michel Fauvergue, chef de l’unité du RAID, qui permettent de retracer très précisément le déroulement des faits jusqu’à l’assaut final et à la neutralisation des terroristes, mais provoquent aussi de nombreuses interrogations, en particulier sur les choix tactiques pris alors.

Le chapitre 3 est consacré à la question de la guerre des polices. La question étant : Qui a présidé au choix de confier à la brigade anti-gang la responsabilité d’intervenir en force « menante » au Bataclan ? Sur la base des témoignages du commandant du GIGN, le colonel Hubert Bonneau, du directeur général de la Gendarmerie nationale, le général Denis Favier, du patron du RAID, Jean- Michel Fauvergue, du préfet de police de Paris, Michel Cadot, et du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, Georges Fenech met en relief la plausible volonté des autorités parisiennes de « conserver jalousement » leur pouvoir de décision et d’action, quitte à ne pas confier la direction des opérations aux unités d’élite préparées à riposter efficacement et rapidement à ce type d’attaque. Pour éviter la reproduction de ce schéma, Georges Fenech propose donc de « réfléchir à la fusion de nos trois forces d’élites où toutes les capacités seraient réunies, sous un commandement unique ».

Dans le chapitre 4, Georges Fenech se penche sur le problème de l’accès des secours aux victimes au sein d’un périmètre de sécurité. Le 13 novembre, en effet, les blessés « ont dû attendre de longues heures, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Bataclan, et sur les terrasses des cafés et restaurants, qu’on vienne les secourir pour les diriger vers les hôpitaux. Combien parmi eux décédèrent par manque de soins urgents ? Personne ne peut le dire. » A cet égard, le témoignage largement cité de Daniel Psenny, journaliste au Monde, « met en évidence la nécessité de revoir entièrement l’accès des secours au périmètre d’exclusion, ce qui fut fait pendant le déroulement même de nos travaux par la création d’un groupe d’assistance d’intervention et de secours (GAIS), qui intègre désormais les colonnes d’assaut des pompiers-médecins équipés de matériels de protection et peuvent se porter immédiatement au secours des blessés. A l’évidence, le 13 novembre 2015, nous n’étions pas prêts pour faire face à des attaques d’une telle ampleur. »

Le chapitre 5 vise à aller jusqu’au bout de la question de savoir pourquoi la force Sentinelle n’est pas intervenue de manière plus active pour neutraliser les terroristes. Nous assistons alors à l’audition (à huis clos) très tendue du Gouverneur militaire de Paris, Bruno le Ray, qui invite Georges Fenech à penser que « des militaires n’auraient voulu prendre aucun risque pour eux- mêmes, quand des civils innocents étaient en train de se faire massacrer sous leurs yeux. Cette passivité confine à de la « non-assistance à personne en danger » ». L’audition de Jean-Yves Le Drian, ensuite, nous apprend que les ordres étaient « donnés par les responsables de la sécurité intérieure ». Georges Fenech s’interroge alors: «Un jour, la justice sera-t-elle amenée à rechercher des responsabilités dans cette chaîne de commandement ? »

Pourquoi le Bataclan, qui avait fait l’objet de menaces précises par le passé, n’était-il pas protégé ? C’est à cette question que Georges Fenech répond dans le chapitre 6. Pour ce faire, il révèle ce que les services de renseignement et de la Justice savaient des menaces qui faisaient du Bataclan une cible potentielle dès 2009. L’audition de Marc Trévidic, ici, éclaire les raisons pour lesquelles on peut parler ici d’un « loupé » de la Justice et des services de renseignement.

C’est dans le chapitre 7 que Georges Fenech examine l’efficacité, ou la cécité, de nos services de renseignement dans la surveillance des trois assaillants du Bataclan et de son planificateur, Abdelhamid Abaaoud. Georges Fenech passe au crible les profils et les parcours de ces individus, recensant les divers «ratés» des services de renseignement européens et autres failles du renseignement français. A cette occasion, il développe l’idée d’un « FBI à la française », estimant que « la clef de la lutte anti-terroriste est bien là, dans un réseau européen d’intelligence capable de dépasser nos frontières internes, nos ego nationaux et nos cultures respectives ». De même, il insiste pour que, parallèlement, monte en puissance l’institution Eurojust, unité de coopération judiciaire de l’Union européenne, dont la mission est de coordonner les enquêtes menées dans les vingt-huit Etats membres et relatives au trafic international de stupéfiants, à la traite des êtres humains, à l’immigration irrégulière, à la criminalité organisée, à la contrefaçon, au blanchiment d’argent et au terrorisme.

Dans le chapitre 8, Georges Fenech, toujours en s’appuyant sur les auditions de la commission d’enquête, examine les dysfonctionnements, surtout en matière de coordination, des différents services de renseignement français, à travers différents exemples concrets. Ces dysfonctionnements et l’existence de trois organismes de coordination démontrent, selon lui, « la nécessité d’une simplification plus opérationnelle » et le repositionnement de « la coordination de nos services de renseignement au niveau le plus élevé, c’est-à-dire directement auprès du chef de l’Etat pour assurer une vision globale de l’antiterrorisme, tant à l’intérieur de nos frontières qu’à l’extérieur, et lui donner un véritable rôle opérationnel et des moyens budgétaires ». Il plaide également pour la création, sur le modèle américain, d’un fichier de type TIDE, qui intègre des informations très complètes sur plus d’un million d’individus. Il prend bonne note de la création de la « task force » par le nouveau Président de la République, mais souligne qu’il « reste à savoir quels seront ses véritables missions et surtout ses moyens pour organiser une véritable coordination du renseignement français, du sommet à la base ».

Dans le chapitre 9, Georges Fenech dénonce les « politiques fabricantes de djihadistes ». La Belgique est ici convoquée comme exemple, qu’il refuse pour autant de stigmatiser : « Avant de pointer du doigt la Belgique, commençons donc à balayer devant notre propre porte. » Le cœur de son analyse se situe plutôt dans le phénomène de la radicalisation et du retard pris dans l’élaboration d’une stratégie globale de lutte contre la radicalisation islamiste. Il dresse alors le profil du djihadiste contemporain, des méthodes d’endoctrinement et d’embrigadement, lesquelles procèdent essentiellement en trois étapes, qu’il décrit longuement – séduction, isolement et sacrifice. S’appuyant sur les travaux de spécialistes dans différentes disciplines, il estime que « Nous sommes bien confrontés à une agression sans précédent envers nos républiques laïques ». Fort de son expérience à la MIVILUDES, il propose une riposte sur différents plans complémentaires : par l’éducation, car « avant de tenter de « déradicaliser » un individu, mieux vaut l’empêcher de verser dans la radicalisation » ; par une cyberguerre contre Daech ; par le développement de contre- discours démontrant l’imposture religieuse des fanatiques.

Le chapitre 10 est ensuite consacré au phénomène de porosité entre la criminalité de droit commun et le terrorisme en prison, laquelle est devenue la « pouponnière » du djihadisme. C’est pourquoi Georges Fenech estime qu’ « il faut dénoncer les politiques pénales molles, qui, loin de décourager les délinquants les plus endurcis est perçue comme une forme de calinothérapie ». Pour étayer son propos, il retrace minutieusement les parcours délinquantiels des terroristes qui ont sévi sur notre sol, et qui ont bénéficié d’une grande largesse de la justice pénale : car, « à y regarder de près, la plupart des terroristes auraient dû se trouver en prison en train de purger leur peine au moment où ils commettaient leurs attentats ». Il fait le point, ensuite, sur les expériences menées en prison pour éviter la radicalisation de détenus et prône finalement pour « la construction d’un ou deux centres pénitentiaires entièrement dédiés aux détenus radicalisés, fortement sécurisés et protégés de toute forme de prosélytisme ».

Enfin, Georges Fenech interroge longuement les « politiques pénales molles » et la « dévitalisation de toute forme de sanction », qui ont mené selon lui à « l’explosion des phénomènes de récidive et de radicalisation ». Il explique ainsi que, « Comme magistrat, j’ai vécu cette lente dérive du traitement sanitaire et social de la criminalité dont notre société aujourd’hui subit les conséquences de plein fouet, avec ses phénomènes de récidive, d’impunité et au bout du compte de radicalisation ouvrant droit la porte du terrorisme ». C’est le Syndicat de la Magistrature qui est ici spécialement convoqué: dès ses début, explique-t-il, il fut surpris du climat révolutionnaire que ce Syndicat faisait régner : « A l’époque, les anciens entreprenaient les jeunes, les endoctrinaient, les préparaient à en découdre avec une société considérée comme profondément injuste. Ils inventaient la « culture de l’excuse ». On tentait de me persuader, comme mes camarades futurs magistrats, que la Justice ne devait plus être cette seule institution qui arbitre les conflits sans y prendre sa part, qu’elle devait devenir un instrument au service d’une politique, le bras séculier d’une idéologie. Les choix de société seraient tranchés dans les prétoires et non plus seulement sur les bancs des hémicycles. Il reviendrait ainsi au juge de définir la politique de la Nation. » Georges Fenech fournit de nombreux exemples, dont un extrait des réquisitions, dans le procès d’Action directe, de l’avocat général : « « Nous leur devons à tous le respect, quelles que soient les idées qu’ils ont défendues. Aucun d’entre eux ne doit être traité comme un criminel de droit commun. » Le représentant du ministère public cita à loisir les principes élémentaires du débat démocratique : « Je combattrai vos idées jusqu’à mon dernier souffle, mais je suis prêt à mourir pour que vous puissiez les exprimer. » Olivier et sa bande n’en revenaient pas. Eux savaient que leurs idées, ils les avaient exprimées en assassinant le général Delfosse et en commettant une trentaine de hold-up et autant d’attentats.» Georges Fenech rappelle aussi l’amnistie du 4août 1981, libérant au moins 250 terroristes, dont les dirigeants d’Action directe, qui fut l’objet d’un moment de vive tension, lors du débat télévisé d’entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988, entre François Mitterrand et Jacques Chirac, patiemment analysé ici. Georges Fenech propose, ainsi, dans cet ultime chapitre, une sorte de généalogie de la Justice française contemporaine, la mise au jour des racines de son idéologie toujours vivace, et, à partir de cette généalogie, une grille de lecture inédite qui permet de faire le lien avec l’éclosion progressive d’une certaine culture de l’irresponsabilité, du ressentiment et, finalement, de la violence et du terrorisme.

Collection Carte Blanche, Uppr Éditions