Terrorisme : comment renforcer la sécurité dans les aéroports ?

Le transport aérien est aujourd’hui l’un des rouages essentiels de la mondialisation des échanges. À l’échelle mondiale, 4,3 milliards de passagers ont été transportés en 2018, marquant une hausse de 6,1 % en un an, selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Ces échanges engendrent des déplacements de personnes et des flux de marchandises constituant une cible de choix pour les organisations terroristes désireuses de commettre des attentats et des actes de malveillance au sein des aéroports français. Il est indispensable de protéger cette économie en renforçant les contrôles grâce à la coopération entre les acteurs publics et privés d’une part, et au déploiement de nouvelles technologies, d’autre part.

Par Nathalie Jouet

Sécurité et sûreté du transport aérien

Bien qu’elles aient la même finalité, à savoir la préservation des personnes et des biens, les notions de sécurité et sûreté obéissent à des logiques et contraintes différentes.

La sûreté aérienne désigne l’ensemble des mesures et moyens mis en œuvre pour protéger l’aviation civile contre les actes volontaires malveillants. La réglementation en matière de sûreté de l’aviation civile est principalement édictée par les instances européennes et internationales. La sécurité aérienne vise pour sa part à diminuer et maîtriser à un niveau acceptable les risques accidentels liés à l’exploitation des aéronefs. « La sécurité s’applique à toutes les mesures préventives et curatives permettant de réduire les risques d’accident, c’est-à-dire tous les événements involontaires. À linverse, la sûreté est l’ensemble des mesures permettant de réduire au maximum le risque d’actes malveillants incluant essentiellement les actes terroristes », précise Roland Faure, Président de la société d’audit, de conseil et formation AEROSURETE.

Une coordination nécessaire mais complexe entre les acteurs publics et privés

« La menace terroriste a évolué de façon incontestable ces dernières années, allant des actes de piraterie aérienne à des prises d’otages spectaculaires. Elle se déplace géographiquement mais également au sein même de l’aéroport. La coopération entre les acteurs publics et privés apparaît donc indispensable pour s’adapter aux nouvelles formes de menaces et assurer la sécurisation du parcours global des passagers. En effet, la sûreté ne peut être efficace que si elle résulte d’un engagement partagé entre l’ensemble des acteurs impliqués. Mais cette coopération ne suffit pas à elle seule à limiter le risque terroriste. Il est nécessaire de s’appuyer sur des méthodes performantes d’anticipation et des technologies de pointe tout en préservant la liberté individuelle », affirme Jean-François Lennon, Vice-Président chez Vision-Box.

Les dernières études publiées par l’International Air Transport Association (IATA) anticipent un doublement du trafic aérien à l’horizon 2025, une croissance liée à trois effets : la libéralisation du secteur depuis les années 1990, l’essor des compagnies low-cost et le potentiel des marchés émergents. Parallèlement, et alors qu’elle était jusqu’à maintenant dominée par la gestion et l’actionnariat public, l’industrie aéroportuaire doit faire face à des contraintes budgétaires fortes ce qui explique l’arrivée d’investisseurs privés dans ce domaine. Mais les enjeux des privatisations aéroportuaires ne sont pas seulement financiers. En effet, elles sont également destinées à améliorer la satisfaction client, à bénéficier d’une meilleure expertise opérationnelle, à valoriser les atouts touristiques du territoire ou bien à construire un partenariat de confiance bénéfique à l’ensemble des partenaires. C’est ainsi que les fonctionnaires de la force publique et les agents de sécurité privée coopèrent afin de contrôler l’accès aux zones aéroportuaires.  

Après les attentats du 11 septembre 2001, l’inspection filtrage des passagers et des bagages de cabine (IFPBC) a été considérablement renforcée. Autrefois assurée par la police aux frontières, cette activité a été privatisée par l’État qui sélectionne désormais des sous-traitants par appel d’offres. Aujourd’hui, ces sociétés privées représentent un maillon essentiel de la chaîne de sûreté aéroportuaire. Le règlement de leur personnel obéit à des règles strictes. Les agents de sûreté doivent obtenir une certification professionnelle (CQP) après avoir suivi une formation dans un centre agréé par la commission nationale paritaire de l’emploi et de formation professionnelle des entreprises de sécurité, et se soumettre à une enquête administrative permettant l’obtention d’un agrément du préfet et du Procureur de la République.

« Dans la mesure où cette coproduction entre les acteurs privés et publics se déroule côté Ville, je pense qu’il n’y a aucune difficulté à ce que des sociétés privées exercent des missions de surveillance, d’inspection filtrage. Elles le font déjà, je n’apprends rien à personne en disant cela. Concernant les missions de sécurité publique dans la zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR), missions qui à ce jour sont confiées aux services de Gendarmerie pour le côté Piste, et à la PAF pour la partie de la ZSAR dans l’aérogare, elles constituent à mon sens une ligne rouge qu’il serait hasardeux de dépasser, les forces régaliennes représentant, un dernier verrou qui me parait compte tenu du contexte actuel, encore tout à fait indispensable », ajoute Roland Faure.

Des technologies ultrasophistiquées

Face à la menace terroriste, les dispositifs de reconnaissance faciale se multiplient en Europe et notamment en France, dans les gares comme dans les aéroports. Le groupe portugais Vision-Box s’impose aujourd’hui comme le premier fournisseur de solutions ABC (Automated Border Control) et d’identification électronique s’appuyant sur les normes de l’OACI.

« Un projet expérimental mené en étroite collaboration avec Eurostar, la direction centrale de la police aux frontières et le ministère de l’Intérieur, nous a permis de déployer davantage notre solution sur le marché français et notamment dans les aéroports. Vision-Box a participé en 2017, à un pilote dexpérimentation de SAS PARAFE II basé sur une technologie de reconnaissance faciale, avec le groupe Paris Aéroport. L’objectif était de permettre une fluidité accrue de franchissement des frontières dans les aéroports internationaux, en introduisant la biométrie faciale qui était déjà devenue le standard en Europe depuis 2007. En effet, les mesures de sécurité mises en place suite aux attaques terroristes à Paris et à Nice ont eu pour effet de multiplier par deux le temps d’attente pour l’enregistrement des passagers lors de leur passage à la frontière. Plus de 80 aéroports internationaux utilisent actuellement la technologie Vision-Box, dont certains en France », indique Jean-François Lennon.

Le groupe ADP avait déjà installé des bornes PARAFE permettant de scanner les passeports biométriques mais il a souhaité aller plus loin en testant le logiciel développé par Vision-Box. « Notre technologie permet de comparer le visage d’un passager à la photo qui figure dans la puce électronique de son passeport, cette possibilité n’étant pour l’instant ouverte qu’aux ressortissants de l’Union Européenne âgés d’au moins 18 ans. Elle garantit un contrôle précis de l’identité du voyageur, un filtrage efficace des visiteurs étrangers, la reconnaissance immédiate des voyageurs sans papier, détenteurs de visa en attente et des personnes fichées « S », présentant un risque pour la sécurité nationale », explique Jean-François Lennon. À terme, 77 % des aéroports envisagent d’investir dans une technologie de reconnaissance faciale, selon une étude menée en 2018 par la Société internationale de télécommunication aéronautique. Dès l’entrée en vigueur du Brexit, des SAS PARAFE seront également installés pour les passagers de l’Eurostar empruntant le tunnel sous la Manche. « Au mois de juillet 2018 l’Aéroport de Nice a installé des systèmes de reconnaissance faciale PARAFE après Roissy et Orly. Couplés à des bases biométriques, ces outils, dans la mesure où la loi le permet, peuvent constituer des outils indéniablement efficaces dans la lutte contre le terrorisme », affirme Roland Faure.

D’autres pistes sont envisagées pour renforcer la sécurité dans les aéroports. Parmi elles figurent notamment les « tunnels électroniques » qui pourraient détecter les traces d’explosifs sur les passagers, scanner l’intégralité du corps et vérifier la concordance éventuelle du visage d’un passager avec une photo issue des fichiers anti-terroristes. En attendant l’apparition de ces technologies, les aéroports français se sont déjà équipés de systèmes performants comme COVADIS (Contrôle et Vérification Automatique des Documents d’Identité). Concrètement, lorsqu’un passeport est contrôlé par ce système, trois fichiers sont interrogés : le fichier des titres électroniques sécurisés (TES), le fichier des personnes recherchées ou disparues, le fichier des documents volés ou perdus. À l’avenir, la reconnaissance faciale devrait remplacer l’identification par empreinte digitale. La reconnaissance de l’iris de l’œil est une technique déjà employée dans certains aéroports américains.

Après les tests automatiques pour les agents de sûreté aéroportuaire, le filtrage des particules ou l’échographie grandeur nature, la sûreté cynophile côté ville devrait concourir au renforcement de la sûreté aéroportuaire.

La lutte contre le terrorisme dans les aéroports nécessite enfin une évolution de l’arsenal réglementaire existant pour obliger l’État à élever son niveau de sécurité. « L’abondance ne nuit jamais et si jamais des sociétés de sécurité sont en mesure de compléter avec le même niveau d’exigence opérationnelle les militaires de l’opération Sentinelle, par exemple, qui eux exercent côté Ville exclusivement, on ne peut à mon sens pas fermer cette porte. Mais cela pose la question de l’expérience, de l’entraînement et de la certification de ces forces, sujets qui dépendent du législateur et des ministères régaliens », conclut Roland Faure.