La guerre ne s’arrête pas, elle se transforme !

Evénement incontournable qui sonne le glas de la rentrée pour toute la communauté de Défense, la 17e édition de l’Université de la Défense a engagé les quelque 500 grands décideurs civils et militaires et les nombreux parlementaires présents à réfléchir sur les mutations de la guerre.

Echanger pour esquisser les perspectives des Armées avec un but commun : bâtir les Armées du futur, des armées résiliantes et innovantes, des armées jeunes et modernes.

Alors que le fait guerrier est de retour, et l’affrontement majeur de haute intensité réel, les Armées doivent faire face à la conquête de nouveaux champs de bataille : l’espace et le cyber.

Les nouvelles technologies sources d’opportunités, bouleversent aussi l’ordre établi et le droit international est remis en cause.

La guerre ne s’arrête pas, elle se transforme. Les moyens et les compétences doivent être associés pour faire face aux menaces protéiformes et hybrides, aux défis de demain qui concernent aussi bien la dimension terrestre, maritime, aérienne, tout comme l’espace et le cyberespace. C’est ainsi que se mêlent les dimensions stratégiques, opérationnelles, technologiques et humaines.

Alors que les participants ont rappelé que la LPM devait remettre à niveau l’armée trop longtemps éreintée, ils ont souligné leur volonté de suivre avec rigueur la mise en oeuvre effective de celle-ci. Rappelant en effet qu’il était vital d’aller au-delà de la programmation, ils ont souligné avec optimisme les premiers résultats visibles conférant aux armées les moyens de réaliser les missions qui leurs sont confiées.

L’excellence et l’innovation

La ministre des Armées, Florence Parly a souligné l’excellence des industriels français et européens ainsi que l’innovation qui confère à la France une avance majeure « que nous devons préserver. La R&D est essentielle aujourd’hui pour fournir à nos armées les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions de demain. » Une R&D essentielle également au développement des briques technologiques portées par de nombreuses PME qui composent le tissu des industriels de la Défense et qui permettront de s’adapter pour capter les technologies prometteuses.

Des acteurs d’excellence qui s’imposent, parfois difficilement, dans une véritable « guerre de chiens », celle de l’export et des marchés internationaux où la concurrence est rude et agressive.

Face à ce contexte ultra-concurrentiel, le renforcement des partenariats stratégiques entre acteurs européens semblent être la voie des sages…

La modernisation des capacités des Armées dans les dimensions aériennes, avec le Système du combat aérien du futur (SCAF) et spatiale avec le futur commandement de l’Espace (CDE) ont amorcé le chapitre conséquent consacré à l’innovation. Un volet renforcé par la mise en avant des travaux de l’Agence de l’innovation de défense portée par Emmanuel Chiva, son directeur. Parmi les enjeux évoqués, celui de l’intelligence artificielle, de l’hyper-vélocité, des neurosciences et de l’informatique quantique qui représente une véritable révolution, une véritable rupture. Des sujets d’innovation qui doivent être considérés dans une perspective de coopération avec nos partenaires européens a souligné celui qui n’a pas manqué par ailleurs de défendre le programme flyboard de Franky Zapata et d’évoquer la question environnementale, prise en compte dans les programmes mis en œuvre.

Des travaux de recherche spécifiques sur l’hydrogène sont notamment en cours, avec un projet de station hydrogène pour drone exposé lors de cette Université d’été de la défense.

Sujet écologique également évoqué par la ministre Florence Parly, rappelant que les guerres de demain seront également bousculées par les enjeux écologiques. Le ministère entend donc être un acteur volontaire et engagé de la transition écologique. Une stratégie ministérielle sur l’énergie sera par ailleurs présentée en 2020.

Le cyber à l’honneur

Le champ du cyber a quant à lui été évoqué dès l’ouverture de l’Université d’été et repris dans chacun des temps forts de ces deux jours. Preuve, s’il en fallait, que ce risque est désormais intégré dans l’ensemble des réflexions stratégiques et opérationnelles de Défense.

Le ministère fait face et appréhende les réponses avec le renforcement de sa cyberdéfense au travers d’une stratégie défensive et offensive et de l’intelligence artificielle au service des Armées. L’utilisation de l’arme opérationnelle du cyber en opérations est une réalité. Et la France se réserve en effet le droit de riposter dans le respect du droit. Par ailleurs, le ministère recrutera d’ici à 2025, 1000 cybercombattants de plus.

L’ensemble de la communauté est donc appelée à repenser la résilience numérique.

Alors que les négociations sur les enjeux de cybersécurité, qui aborderont largement la question de l’application du droit international dans le cyberespace, reprennent à l’ONU, le ministère des Armées et la France ont par ailleurs précisé leur vision du droit international dans les opérations cyber dans un rapport d’une vingtaine de pages : seuil du recours à la force ou d’une agression armée, interdiction de faire usage du droit de légitime défense en réaction à la violation par un Etat du principe de diligence due ou encore définition de l’attaque en contexte de conflit armé.

La question du droit international appliqué aux cyber opérations est en effet essentielle tant le domaine juridique et normatif est un aspect majeur de l’exercice de notre souveraineté.

Enjeux de souveraineté numérique

Cette souveraineté numérique appelle à plusieurs constats : l’extraordinaire supériorité opérationnelle conférée par la puissance numérique tout autant qu’il représente un espace de conflictualité ; les opportunités nombreuses et notre aptitude à les saisir car l’exercice de la souveraineté de la France et sa préservation en dépendent tout autant que les risques liés à la vulnérabilité de nos outils de défense hyperconnectés et à nos dépendances…

De ces constats est né le développement d’une stratégie de transformation numérique du Ministère et la mise en oeuvre d’actions engagées pour saisir ces opportunités, prévenir les risques et faire face à nos fragilités et affronter les prochains défis au nombre de 4 : l’expertise, l’acculturation, la coopération et les ressources humaines.

Une stratégie de transformation numérique du ministère des Armées qui doit répondre aux enjeux de souveraineté avec deux grands sujets clés : les données et le cloud. Les données constituent un sujet à part entière de transformation et de souveraineté numérique. Le ministère des Armées doit pouvoir les acquérir, les stocker et les traiter en toute indépendance. Il déploie donc une stratégie en ce sens, avec l’élaboration d’une stratégie cloud pour assurer la sécurité et la souveraineté de l’usage des données. Une démarche qui doit contribuer à l’émergence d’opérateurs de confiance face à des Chinois et des Américains leaders. La France devra donc se donner les moyens de ses ambitions.

Autre stratégie, celle de l’intelligence artificielle. A terme, 100 millions d’euros par an seront consacrés par le ministère au coeur des défis technologiques de l’intelligence artificielle et plus de 200 experts seront recrutés.

La supériorité opérationnelle du futur est lancée et elle est sérieuse. Dans un contexte d’accélération où le rapport au temps est bouleversé, le temps de décision se contracte. L’homme aura besoin de l’Intelligence artificielle pour prendre des décisions éclairées dans un bon tempo. Un comité éthique sera par ailleurs mis en place d’ici à la fin 2019, et planchera en 2020 sur l’emploi par l’homme de l’intelligence artificielle dans le champ de la Défense.

C’est ainsi que l’alliance des technologies et des hommes prend tout son sens. Car, au-delà des technologies, les compétences et les hommes sont essentiels. Aussi innovantes soient elles, elles ne suffiront pas à relever seules, les défis de demain.

Le ministère investira pour la protection de ses concitoyens dans le respect du droit international, avec un contrôle humain et le maintien de la responsabilité du commandement.

Florence Parly a par ailleurs présenté la stratégie IA du ministère des Armées avec parmi les principales orientations la création d’un comité ministériel destiné à se prononcer sur les questions éthiques que pourraient soulever les développements futurs de l’IA appliquée au domaine militaire ; le développement et le maintien d’un vivier d’experts au sein du ministère ; lamise en place d’une politique ministérielle de la donnée ; une feuille de route capacitaire solide pour une intégration responsable et maîtrisée de l’IA au sein des forces, comme dans le fonctionnement plus général du ministère ; la mise en place d’une gouvernance de l’action ministérielle en IA, avec la création d’une Cellule de Coordination de l’IA de Défense (CCIAD) au sein de l’Agence ID ; l’établissement de partenariats stratégiques avec les acteurs de l’innovation et de la recherche ; la mise en place de mécanismes entre les contrats de recherche et l’acquisition de solutions pour faciliter le passage à l’échelle industrielle et enfin le développement de coopérations internationales.

L’Europe, omniprésente

L’Europe s’est enfin invitée dans les débats et ce sans surprise. Sur fond de Brexit et d’incertitude, c’est la construction d’une Défense européenne au service de la paix qui a été appelée des voeux de tous. Loin de l’Europe de la Défense trop longtemps évoquée sans succès générant à contrario tensions, incompréhensions, et gelant les dialogues et les avancées collectives, c’est désormais une autonomie stratégique de l’Europe qui doit naître.

Elle devra reposer sur un CSP qui manque pour l’heure d’une politique d’ensemble ; un renforcement de la BITD, ainsi qu’une cohérence capacitaire et industrielle.

Pour voir émerger cette défense européenne, une volonté politique est donc fermement attendue !

Pour conserver notre capacité opérationnelle et renforcer notre souveraineté, c’est donc bien la voie de l’Europe qui est retenue !

Faire émerger cette culture stratégique européenne, promouvoir l’esprit de Défense et renforcer le lien Armées-Nation sera donc l’ambition de la première édition de la Fabrique Défense qui se tiendra les 17 et 18 janvier 2020 à Paris.

Un évènement tourné vers la jeunesse« Ecouter et comprendre la jeunesse, cest fondamental. Car parler de futur, de mutations de la guerre et de nos armées, cest enfin parler de nos jeunes. »a rappelé Florence Parly.

Une action qui à forger cette ambition européenne voulue par Emmanuel Macron qui déclarait, le 26 septembre 2017 à la Sorbonne : « Ce qui manque à l’Europe aujourdhui, cest une culture stratégique commune ».