Aéronautique : structurer le secteur pour mener le combat de la décarbonation

White airplane model emitting fresh green leaves on blue background. Clean and green energy, biofuel for aviation industry concept.

Les députés Sylvia Pinel et Jean-Luc Lagleize ont présenté un rapport d’information sur l’avenir du secteur aéronautique en France. Soulignant la large importance de ce qui est le 1er secteur à l’export habituellement pour Paris, ils ont érigé en priorité la décarbonation du trafic aérien, multipliant les propositions en ce sens.

L’aéronautique conjugue « excellence du savoir-faire français et rayonnement international » selon les mots du député Jean-Luc Lagleize, prononcés durant la présentation de son rapport à la Commission des affaires économiques. Le secteur comptait 691 000 salariés au début de la crise sanitaire, il a subi une baisse de 8% des effectifs en 2020. La question des talents est donc logiquement soulevée puisque l’aéronautique lutte pour attirer les prochaines générations et, plus particulièrement, les jeunes femmes. « Il faut sensibiliser plus largement aux métiers de l’aéronautique » en montrant l’éventail des parcours disponibles « dès le plus jeune âge » affirme Sylvia Pinel.

Forcément, la mauvaise image du secteur, du fait de son impact environnemental, joue en sa défaveur lorsqu’il s’agit d’attirer de nouveaux talents. Mais cela peut aussi être perçu comme un défi attrayant pour de multiples jeunes : reverdir le secteur aéronautique en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Les deux députés proposent alors la création d’un « champion » français de la formation dans la filière aéronautique, à Toulouse, regroupant les écoles préexistantes. L’idée est de pouvoir s’imposer face à la concurrence des Etats-Unis et de la Chine.

Le carburant, un axe de travail capital

Sylvia Pinel et Jean-Luc Lagleize ont ainsi présenté plusieurs leviers d’action pour aller dans cette direction. A court terme, le renouvellement des flottes d’aéronefs peut entraîner des gains de 15 à 25% en matière de consommation de kérosène. On peut espérer jusqu’à 30% de gains pour les dernières générations : « notamment grâce à des innovations technologiques. La motorisation de lavion est par exemple essentielle. Safran travaille à un nouveau moteur RISE, à l’architecture non-carénée qui permettrait des gains de consommation de lordre de 20% par rapport à la génération actuelle, tout en étant compatible avec les SAF (sustainable aviation fuel) » dévoile Jean-Luc Lagleize.

Le SAF est d’ores et déjà disponible. l peut être mélangé au kérosène et permettrait de réduire les émissions de près de 80% en comparaison avec ce dernier. Une ressource majeure pour la décarbonation du secteur et la seule disponible pour les longs courriers. Mais l’utilisation de SAF est aujourd’hui insuffisante. Sylvia Pinel développe : « Alors que les nouveaux moteurs permettent dincorporer 50% de SAF, ils représentent 0.1% des carburants utilisés pour laviation dans le monde en 2018. Cette faible utilisation sexplique par une production et une structuration de la filière insuffisante. Nous avons proposé des moyens budgétaires supplémentaires et un crédit d’impôt pour les compagnies aériennes achetant des biocarburants durables provenant de projets industriels français. »

Des leviers de court-terme

La gestion des opérations au sol est un autre levier de court-terme. Jean-Luc Lagleize indique : « Un projet de règlement européen prévoit l’électrification de tous les points de stationnement des avions dici 2030. Cela permettra aux aéronefs de ne plus utiliser leurs moteurs auxiliaires au sol, qui leur servent aujourdhui à alimenter leurs circuits électriques. Nous voulons rendre lutilisation de ces alimentations électriques obligatoires lorsquelles sont disponibles ».

Sylvia Pinel insiste sur la nécessité de mieux utiliser les routes aériennes pour participer pleinement à l’effort de décarbonation. Certaines solutions doivent être systématisées, en particulier les descentes en approche continue avant l’atterrissage. « Les pratiques d’éco-pilotage doivent être encouragées et le récent déploiement des routes libres sur la moitié de lespace aérien français y participe » selon elle.

Electrique et hydrogène : lavenir de laviation?

L’avion électrique est « une véritable opportunité à moyen-terme pour les vols courts puisque le poids des batteries ne permet pas denvisager cette solution pour les longs courriers. Des entreprises innovantes développent dédes avions électriques. Un avion slovène a été certifié » pointe Jean-Luc Legleize. En France, de multiples entreprises développent des avions électriques de 2 à 20 places. Il poursuit : « ces acteurs innovants doivent davantage être soutenus par des fonds spécialisés, les mécanismes classiques de soutien étant parfois inadaptés à ce type de projet de rupture ». Un projet qui pourrait également contribuer au désenclavement des territoires.

Quant à l’avion à hydrogène, présenté par Sylvia Pinel : c’est une solution à moyen-terme, complémentaire de l’avion électrique. « La combustion de l’hydrogène relargue essentiellement de la vapeur deau, ce qui en fait un carburant particulièrement propre » remarque-t-elle. Il serait possible de l’utiliser sur les courts et moyens courriers. Mais des obstacles techniques restent à relever, notamment parce que l’hydrogène est quatre fois plus volumineux que le kérosène.

Un moment charnière

La crise sanitaire a largement frappé le secteur qui se trouve à un moment clé de son histoire. La France doit prendre le leadership dans un domaine où la concurrence des Etats-Unis et de la Chine se trouve sur toutes les chaines de production. D’autant que les intérêts chinois et américains divergent des intérêts français et qu’il en va de même pour les considérations éthiques. Aujourd’hui, d’une importance significative dans la balance commerciale française à l’accoutumée, l’aéronautique est, en 2020, passé à son plus bas niveau depuis 2005.

La PFUE devrait être l’une des occasions de montrer en ce début d’année 2022, le volontarisme français en matière d’accélération de la décarbonation du secteur aéronautique. A l’automne 2022, la 41e session de l’Assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale sera un autre point d’étape attendu.

Sylvia Pinel l’affirme : « Pour réduire son impact sur le réchauffement climatique, le transport aérien doit se préparer à de nouvelles réglementations environnementales prévues dans le paquet législatif européen « Fit for 55 ». Rappelons que l’aérien est, à ce jour, le seul mode de transport soumis au système de quota carbone. L’utilité de lavion doit inciter à des améliorations technologiques ambitieuses pour maîtriser son impact environnemental. »

La décroissance comme réponse?

Les positions des co-rapporteurs ne font pas l’unanimité. En effet, le secteur aérien est responsable de 2 à 3% des émissions d’effet de serre à l’échelle globale. Les députés Cédric Villani et Delphine Batho ont exprimé leurs divergences d’opinion concernant la manière de mener le combat de la décarbonation. Ils appellent à la réduction des vols, arguant que les volontés gouvernementales de neutralité carbone conduisent non pas à une réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais à un contrôle et une stabilisation des émissions existantes, ce qui leur semble insuffisant. « Face à toutes les contraintes et objectifs de sauver la planète, en attendant que les technologies vertueuses puissent se déployer, réduisons la voilure, il en va de notre survie » a déclaré Cédric Villani. Delphine Batho a, elle, regretté de voir sa position minoritaire assimilée à du « aerobashing ». Le débat est ouvert, il devrait lui aussi, trouver un place de choix, au coeur de la campagne présidentielle en cours.