Traité sur l’interdiction des armes nucléaires : où en est-on ?

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est entré en vigueur le 22 janvier 2021 suite à sa ratification par 50 Etats, rendant les armes nucléaires illégales. Si la France et les autres puissances nucléaires rejettent ce traité en bloc, la première réunion du TIAN aura lieu en juillet prochain, à Vienne, à l’Office des Nations Unies. Aujourd’hui, les soutiens français de l’initiative se retrouvaient au Sénat pour une conférence, organisée par Messieurs les sénateurs Guillaume Gontard et Thomas Dossus.

Par Corentin Dionet

Alexander Kmentt, Ambassadeur-Président désigné de la première réunion des Etats parties au TIAN et ministre fédéral de l’Europe et des affaires internationales de l’Autriche, l’assure : « Si le traité d’interdiction des armes nucléaires est jeune, de nouvelles idées seront annoncées lors de la première réunion des Etats parties au TIAN. » Portant un message politique fort axé autour de la sécurité commune et de l’urgence du progrès en matière d’interdiction des armes nucléaires, le ministre insiste sur « l’inclusivité et louverture » d’un traité jugé « avant-gardiste ». Ses défenseurs érigent en priorité d’assurer de la flexibilité dans sa mise en place. Selon lui, il ne fait aucun doute : « Le traité n’a pas seulement pour but dinterdire les armes nucléaires mais également de proposer un cadre et une structure d’élimination de celles-ci ».

Remplacer « lesantagonismes par un dialogue constructif »

L’objectif est également que les pays accueillant en leur sein des armes nucléaires qu’ils ne possèdent pas puissent les retirer avant une date butoir qui est encore à définir. L’universalisation de ce traité apparaît comme un enjeu clair. Pour ce faire « il est nécessaire de mettre en avant sa compatibilité avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Le traité est en place, il existe et il est là pour rester. Nous espérons que les antagonismes seront remplacés par un dialogue constructif » a indiqué Alexander Kmentt.

Et des soutiens européens, membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, affleurent déjà. C’est le cas de l’Allemagne et de Xanthe Hall, responsable du désarmement nucléaire au sein du « International Physicians for the Prevention of Nuclear War ». Elle dénonce une « pression » de l’Alliance envers Berlin, ayant pour but d’empêcher le pays de rejoindre le traité.

Le climat politique germanique, marqué par l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition progressiste, a influé sur la position allemande. Annalena Baerbock a confirmé, en décembre dernier, sa volonté de voir l’Allemagne devenir un membre « observateur » du TIAN. Et l’exemple norvégien n’est pas étranger à cette prise de position, Oslo ayant en effet choisi en novembre 2021 de devenir membre « observateur » du TIAN. Comme l’indique Tuva Widskjold, coordinatrice de ICAN Norvège : « La majorité des Norvégiens souhaitent linterdiction des armes nucléaires. La majorité des partis politiques sexpriment en faveur de la ratification de ce traité. L’argument selon lequel une ratification de ce traité contrevient à la présence de la Norvège dans lOTAN ne tient pas. »

Un bloc de gaucheanti-dissuasionnucléaire

En France, c’est à l’échelon local que l’on retrouve les partisans les plus vocaux du TIAN. Les maires de 58 communes, dont les villes de Paris, Lyon, Saint-Etienne, Bègles ou encore Malakoff se sont engagés en faveur d’une ratification du traité, affirmant leur volonté de voir la France participer au sommet de Vienne en tant qu’observateur.

Pour autant, la dissuasion nucléaire semble rester au cœur de la stratégie de défense nationale. Guillaume Gontard, sénateur écologiste et membre de la Commission permanente portant sur les Affaires étrangères, la défense et les forces armées, appelle à une prise de conscience : « La France ne peut pas rester à côté du TIAN, il est indispensable d’être observateur du traité. Il est nécessaire de mener un débat démocratique sur la dissuasion nucléaire ». Regrettant l’opacité régnant dans ce domaine, il s’interroge : « Est-ce que la dissuasion nucléaire et le meilleur moyen dassurer la paix et la sécurité dans le monde? Na-t-on pas dautres priorité? ».

Aurélien Saintoul, collaborateur parlementaire du député La France insoumise (LFI), abonde : « Nous devons trouver des alternatives à la dissuasion dans sa forme actuelle. Il faut se poser la question de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire à long terme. Nous sommes en faveur de la dénucléarisation du monde. Nous reconnaissons que la France à déavancé et que le premier geste doit émaner des Etats-Unis et de la Russie. Lactualité nous montre que le gouvernement russe nest pas prêt à mener ce genre de discussions ». L’ancien eurodéputé Patrick Le Hyaric affirme, quant à lui, que son candidat Fabien Roussel s’est engagé à ratifier le TIAN. Si ces positions semblent aujourd’hui minoritaires, rien ne peut indiquer avec certitude qu’elles le resteront éternellement. Et si le futur de la doctrine de défense française passée par un abandon de la dissuasion nucléaire comme alpha et oméga ?