Standardisation des communications critiques large bande

Développement de réseaux de communication haut débit sécurisés destinés aux forces de sécurité et aux opérateurs d’importance vitale, préparation de l’ultra-haut débit mobile (5G) et sécurisation des infrastructures de télécommunication critiques : voici des sujets de souveraineté qui s’inscrivent également au coeur des dossiers clés du 3GPP. Le temple de la normalisation international finalisera la Release 14 en fin d’année avant d’ouvrir les champs du possible de la 5G.

L’association Tetra Critical Communications Group a été créée avec pour objectif de réunir les acteurs clés du domaine « mission critical » dans le but de faire front commun en matière de standardisation mondial et ainsi peser de tout son poids au coeur du 3GPP.

Mais l’univers des communications critiques est une industrie de niche. « Ce fut donc une agréable surprise lorsque l’industrie de la téléphonie mobile, largement axée sur la satisfaction des besoins des opérateurs de réseaux mobiles et de leurs milliards d’abonnés, a accepté d’intégrer les fonctionnalités missions critiques dans le standard 4G LTE via l’organisme international de normalisation 3GPP. » souligne Philippe Devos, Sr. Director, Strategic Campaigns & Government Affairs chez Airbus Secure Land Communication.

SA6 et Release 14

Le 3GPP a donc mis en place un nouveau groupe de travail – SA6 Mission critical Applications-, chargé de rédiger les normes essentielles en matière de communications sécurisées. Le SA6 s’est concentré sur la réalisation d’une architecture fonctionnelle Mission Critical Push-to-talk (MCPTT) pour les applications voix, inclus dans la Release LTE 13, finalisée en mars 2016.

« S’assurer que les fonctionnalités requises par la communauté, déjà largement abordées dans les standards PMR Narrowband tels que TETRA, Tetrapol et P25, se retrouvent dans le standard 3GPP LTE est essentiel pour atteindre la standardisation mondiale attendue. » ajoute Philippe Devos.

La version de la Release 14 qui s’achèvera en juin 2017 prévoit de nouvelles fonctionnalités intégrées à la MCPTT et le développement de spécifications pour les communications groupes  orientés vidéos (MC video) et données (MCData). « La standardisation de la Release 14 devrait s’opérer jusqu’à la fin de l’année 2017 » ajoute Philippe Devos.

Au coeur des sujets clés, les améliorations apportées à l’utilisation des Multimedia Broadcast Multicast Services, celles permettant l’interopérabilité entre les systèmes LTE et les systèmes Tetra par exemple retiennent toute l’attention.

L’interopérabilité entre fournisseurs est en effet un point crucial. Il sera par ailleurs testé en juin prochain, lors du plug test organisé par l’ETSI et qui portera sur l’interfonctionnement entre les clients applicatifs MCPTT des Terminaux et les serveurs pour les services de communications de groupes MCPTT.

En plus des services de voix et de données bas débit comme la géolocalisation qui sont essentiels pour le succès de leurs missions, les opérationnels ont pour vision de développer de nouvelles applications exigeantes en débit pour améliorer leur efficacité et la sécurité de leurs intervenants. La valeur ajoutée de ces applications est de compléter avec de nouvelles informations la compréhension de la situation par les intervenants. Pour cela un échange plus intense de données, en particulier de nature visuelle, est nécessaire. « Mais il est aussi essentiel d’envisager les choses sous l’angle, encore une fois de l’interopérabilité et faire que tous ces acteurs puissent communiquer entre eux de façon sécurisé. » commente Philippe Devos.

Consortium & démonstrateurs

Dès 2013, Airbus DS a initié  un consortium de R&D en France afin de créer une solution basée sur la technologie LTE qui soit cohérente avec les travaux du 3GPP, mais également de bâtir une coopération entre organismes de standardisation en télécommunications, visant à établir la norme des communications critiques large bande. Une solution répondant aux exigences des organisations de sécurité publique, des opérateurs d’importance vitale, des transports, de l’industrie et des services publics. « Il est fondamental pour nous d’être la cheville ouvrière de la standardisation » argumente Philippe Devos et de poursuivre « le projet LTE4PMR contribuera également à l’accélération des travaux de normalisation en cours. »

Ce projet permet en effet l’élaboration et la mise en œuvre de produits et fonctions spécifiques aux besoins des utilisateurs sur le terrain : communications de groupe, communications sécurisées, utilisation de plusieurs bandes de fréquences 400/700 MHz spécifiques et d’équipements adaptés à leurs usages…

Dans la continuité, dès 2018, le second démonstrateur « LTE4PMR » porté par le CICS et le CoFIS verra le jour.

L’hybride : combiner efficacement les solutions les plus adaptées

Mais pour l’heure, le tout LTE n’est pas envisageable. Certaines fonctionnalités, comme la communication en mode direct « ProSe » défini dans le standard, (communication d’un terminal à un autre terminal en l’absence de réseau d’infrastructure), n’ont pas encore été implémenté par les fabricants de composants pour adresser ce besoin des utilisateurs. Les recherches devront encore se poursuivre, vraisemblablement sur plusieurs années.

Les solutions hybrides représentent une solution optimale et intégrée pour utiliser le moyen de communication le mieux adapté opérationnellement et économiquement à tout instant. Elles permettent d’intégrer en termes de sécurité, de gestion et de services les réseaux PMR basés sur les technologies Tetra et Tetrapol avec les solutions de communication haut débit dédiées ou basées sur des réseaux commerciaux. « Nous développons actuellement des solutions hybrides offrant des services unifies  aux utilisateurs »

La première version de solution hybride mise en œuvre par Secure Land Communications permet d’une part d’intégrer une solution PMR bande étroite avec des services de données à large bande basées sur des réseaux commerciaux mais améliorés en termes de disponibilité, capacité et sécurité, et d’autre part d’intégrer des utilisateurs de services mobiles haut-débit dans des communications de groupe Tetra.

Approche résiliente

Les stratégies mises en place notamment en Suisse, en Espagne et en France consistent, d’une part, à maintenir en condition opérationnelle leurs réseaux PMR bande étroite Tetrapol jusqu’à l’horizon 2030. D’autre part, elles s’appuient sur les réseaux mobiles commerciaux haut-débit disponibles, seuls à même de satisfaire aujourd’hui les besoins potentiellement gourmands en bande passante des nouvelles applications, en attendant les allocations et la disponibilité de fréquences nécessaires à des réseaux large bande dédiés. Il faut cependant « durcir » ces derniers en termes de disponibilité, de capacité et de sécurité par des solutions appropriées qui soient intégrées avec les solutions bande étroite existantes. « Le déploiement de réseaux 4G dédié avec des terminaux de faible puissance en bande 700 Mhz pose un problème économique difficile car il nécessite un nombre beaucoup plus important de sites radio que les systèmes 400 MHz actuels ! Une approche raisonnable consiste à déployer des bulles tactiques et des hot-spots urbains pour garantir la disponibilité, le contrôle et la résilience là où cela est justifiable économiquement » précise Philippe Devos et d’ajouter « Les réseaux actuels en technologie NB Narrow Band restent la seule réponse tant économique que technique » pour assurer un service résilient de communication groupe. « Ceci explique pourquoi la plupart des pays européens engagent une démarche combinant l’ajout du LTE très haut débit dans un modèle hybride NB/BB permettant de gagner en efficacité avec une solution économiquement viable et acceptable. »

Enfin, les travaux du 3GPP se poursuivront à partir de la seconde moitié de 2017 avec la Release 15 qui devra fournir les premiers standards de la 5G.