La santé à l’aube 2049 sous l’angle cyber : e-santé, santé connectée, données de santé…

Le rapport 2019 de l’ONU sur les « Perspectives de la population dans le monde 2019 » estime à près de 10 milliards de personnes la population mondiale à l’aube 2049. Une personne sur six dans le monde aura plus de 65 ans et une personne sur quatre vivant en Europe et en Amérique du Nord pourrait avoir 65 ans ou plus. Le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans, souvent dépendantes, devrait tripler, dépassant les 400 millions en 2049.

En parallèle, la nature et les organisations des systèmes de santé seront très variables à travers le monde. S’il n’est pas remis en cause, le modèle français restera parmi les rares exceptions face aux systèmes assurantiels et surtout aux paiements non remboursés (« out of the pocket »).

Dans ce contexte, si l’on n’est pas millionnaire, « faire mieux avec moins » restera une clé universelle.

Par Hugo Strade

Quelles promesses pour la e-santé dans 30 ans ?

D’un côté, les actions universelles : le diagnostic, la prévention et l’observance. Via toutes sortes de capteurs, de caméras et d’objets connectés, la mesure d’information biologique devient simple, immédiate, gratuite. L’anonymisation automatisée permet un croisement et une simulation en temps réel tant individuelle qu’à grande échelle. Les bulletins météorologiques seront enrichis des vagues de grippe et de gastro-entérite.

De l’autre, les individuelles : la simulation prédictive et le soin. C’est ici que les différences apparaissent. Nous restons inégaux face à la maladie. Et les ressources financières, sans être la garantie absolue de guérison, sont un élément essentiel. Accéder aux spécialistes, aux traitements, aux informations exclusives devient notre enjeu individuel vital.

Comment se soigner en 2049 ?

La prédominance des acteurs technologiques désormais fusionnés aux acteurs de la santé se concrétisent par la création d’un « internet premium », plus rapide, plus précis mais surtout plus cher. Les objets connectés de dernière génération, les robots compagnons des personnes dépendantes, les grands spécialistes scientifiques et leurs assistants d’aide à la décision, les services de livraison, … Tous seront alignés sur ces normes exclusives. Dans cet écosystème privé, le patient est de facto volontaire pour partager l’ensemble de ses données personnelles, celles de ses parents, de ses enfants, … Il n’y a pas encore de bonus-malus généralisé comme dans l’automobile mais les banquiers et les assureurs sont toujours plus sélectifs.

Et de l’autre côté de la barrière ?

L’internet public, ou ce qui le remplace, poursuit quant à lui sa mission de partage de la connaissance et de circulation de l’information. Plus communautaire, la connaissance est désormais affranchie des difficultés linguistiques, des limites de puissances de calcul et tend à l’universalité. Cependant, les influences géographiques sont un nouveau frein. Les gouvernements ont intégré l’enjeu de la donnée à leurs politiques et les dossiers médicaux numériques assurent un lien très fort avec leurs concitoyens : normes et standards, taxes sur les flux de données, restrictions locales, murailles électroniques, …

Qu’il soit aisé ou modeste, chaque patient reste dans l’impérieuse nécessité de se soigner. Certains se résigneront mais d’autres seront ceux tentés par s’affranchir de ces limites. Les données de santé, comme toutes autres, peuvent être contrefaites. Un besoin impérieux, des limites, des ressources financières, … Tout ce qu’il faut pour voir prospérer un marché parallèle. La face cachée de l’internet public offre ses services : « amélioration » de dossiers médicaux, faux patients, livraisons parallèles, simulation en open-source, kits de productions à domicile, éditions 3D, …

Quels impacts pour le marché de la cybersécurité en santé ?

Un patient consent à un traitement, qu’il soit bon marché ou coûteux, s’il lui fait suffisamment confiance. Dans un environnement totalement digitalisé, la cybersécurité est une des grandes marques de confiance. Sans les nommer, nous attendons toujours disponibilité, intégrité, confidentialité et traçabilité des solutions qui sont mises à notre disposition. Mais comment s’y retrouver sans le conseil d’un prescripteur ?

Les offreurs en e-santé, qu’ils viennent de la santé ou du numérique, concourent à de forts revenus mais connaissent aussi des risques sous-jacents à ces activités engageant jusqu’à la vie de leur « client ». En 2049, la e-santé est un marché mature et la place de l’innovation risquée est étroite. Les acteurs premium bénéficient de la notoriété de leur marque et tirent vers eux le marché des dossiers médicaux, des applications, des diagnostics. Ils ne peuvent plus seulement se protéger par des mentions légales sans fin et passent leurs produits aux bancs d’essai : offuscation des algorithmes propriétaires, chiffrement anti-contrefaçon, récompenses élevées pour la découverte de failles, hauts niveaux de certifications pour rassurer investisseurs et assureurs.

Quel chemin vers 2049 ?

Il s’agit d’une question aussi difficile que passionnante à laquelle nous avons tenté de répondre avec plusieurs experts, acteurs du changement à venir parmi lesquels 4 adolescents hyperconnectés pour qui une fibre à 1Go est déjà aujourd’hui bien modeste. Avec leurs yeux, il a été plus simple d’envisager ces 30 prochaines années : l’universalité de la connaissance, la disparition de la barrière linguistique mais aussi la nécessité de distinguer le vrai du faux et l’adoption inconditionnelle des services premium. Lire une mention légale ou une notice d’information n’a pas de sens pour eux. Il faut que cela soit utilisable sans délai, quitte à le remplacer à la première déception.

En conséquence, s’il fallait pronostiquer un premier jalon de transformation, il serait très probablement, avec l’apport des associations de patients, à la simplification des référentiels de confiance pour la e-santé apportant des certifications homogènes. A défaut, le maquis des dizaines de normes internationales, très techniques et mouvantes, soutiendra involontairement les offres des plus grandes marques, qu’elles soient expertes du domaine de la santé ou non.