Piloter un drone basé en France depuis un autre continent n’est désormais plus du domaine de la science fiction. Trois jeunes startuppers français ont en effet développé des drones autonomes, intelligents et opérés totalement à distance, des capacités auparavant réservées aux coûteux drones militaires.
Compatibles avec les réseaux mobiles 3G/4G et couplés à une plateforme cloud, ces drones « nouvelle génération » représentent une véritable rupture technologique qui séduit déjà opérateurs critiques et services régaliens, en France et dans le monde…
En seulement 2 ans, ces 4 ingénieurs, Clément Christomanos, Luc Clément, Pierre Pelé et Yann Dobignard embrassent le succès à chaque étape. Tout commence en 2014 où l’incubateur IMT Starter les récompense lors de leurs études à Télécom SudParis. Depuis, pas une année ne se passe sans récompense ou distinction en Europe ou aux Etats-Unis. Lauréats « Usine du Futur » des Grands Prix de l’Innovation de la Ville de Paris, ils figurent aujourd’hui parmi les 100 start-up dans lesquelles investir !
Rencontre avec cette jeunesse qui conjugue l’excellence technologique française à l’envie d’entreprendre.
Pilotage à distance
Tout est parti d’un drone perdu au milieu de la nature, à cause des manques de fiabilité des connexions Wi-fi et radio. Des profils complémentaires, Pierre, Luc et Clément, alors étudiants en systèmes embarqués et réseaux, et Yann, ingénieur en mécatronique expérimenté et pionnier du drone, ont l’idée d’utiliser les réseaux mobiles 3G/4G pour rendre virtuellement illimitée la portée d’utilisation des drones.
La startup spécialiste des drones connectés et intelligents crée alors platforme web permettant de piloter des flottes de drones entièrement à distance. « En connectant et répartissant les drones à demeure sur le terrain dans des stations de recharge, notre innovation révolutionne la manière d’utiliser les drones et en fait de véritables outils industriels à la portée de tous. Ainsi, les drones deviennent pilotables totalement à distance, depuis des centres de contrôle. Les images et données sont chiffrées à bord du drone et envoyées en temps réel » explique Clément Christomanos. L’équipe s’est également attachée à mettre au point une batterie d’algorithmes d’intelligence artificielle pour que le drone puisse détecter rapidement les risques possibles et prendre, par la suite, les bonnes décisions : évitement d’obstacles ou résilience à la perte de connexion.
Outil collaboratif et intelligent pour de multiples usages
Détection d’intrusions sur des sites sensibles, contrôles de routine de sites industriels ou pétroliers, vérification de l’état des pistes d’aéroports, maintenance, etc. : Uavia s’adresse aux sites sensibles et infrastructures critiques, aux sites industriels et cible des cas d’usages spécifiques et multiples. « Nous sommes convaincus que le drone ne représente qu’un outil, la valeur ajoutée résidant dans les données, les usages et les missions » souligne Clément Christomanos et de poursuivre « Pour permettre à nos clients de se focaliser sur leur métier et d’agir avec réactivité, toute la complexité de recueil des données et de leur traitement est effacée derrière notre platforme. Il ne reste qu’à visualiser les données en temps réel, exploiter les données dans son propre système ou grâce à nos outils en ligne. »
L’outil se veut en effet autonome et collaboratif. « La force de notre innovation repose sur une connaissance fine des réseaux. Notre technologie intègre une intelligence artificielle sur les aspects techniques mais l’humain est au coeur des missions à travers notre platforme collaborative. »
Le marché classique est structuré autour de sociétés de service opérant, depuis le terrain, des drones pilotés par radio. « Or, avec ce modèle, beaucoup de choses ne sont pas réalisables : certaines missions nécessitent beaucoup de réactivité, ou beaucoup de répétitivité – faire décoller un drone en trente secondes, ou exécuter la même mission toutes les trente minutes. Cela reviendrait à maintenir un pilote de drone sur un site 24h/24 ! C’est humainement et économiquement impossible. Notre valeur ajoutée s’impose pour les cas d’usage où la notion de criticité est forte et où la réactivé est essentielle : sur des sites sensibles, lorsque des pertes financières considérables voire des vies humaines sont en jeu (gestion des crises industrielles, des feux de forêt, inspections répétitives d’infrastructures critiques…) » ajoute le jeune dirigeant. Pas question donc, de se priver du discernement de l’humain !
Cloud, données et sécurité
Les images dédiées à l’expertise métier, capturées par la caméra située en dessous de l’appareil, sont envoyées en temps réel à de multiples agents et de manière collaborative. Elles peuvent être enrichies et retravaillées grâce à des algorithmes de traitement de données.
Experts en sécurité informatique, deux des quatre fondateurs d’Uavia ont appuyé cette nécessité du security by design dans toutes les strates de la solution. Isolement des systèmes, système d’exploitation conçu en propre, réseau privé, authentification dynamique et chiffrement en temps réel des données, rien n’a été laissé au hasard.
La solution est en effet chiffrée de bout en bout afin d’assurer la protection des données, souvent sensibles, et d’éviter qu’une personne ne puisse prendre le contrôle du drone. « Les données captées sont chiffrées et transmises sur nos infrastructures voire directement sur celles du client. Le traitement de données s’étend de la cartographie en temps réel à l’analyse par machine-learning d’extraits vidéos géo-référencés en passant par la modélisation 3D. Les résultats obtenus peuvent également être enrichis, et les inspections comparées dans le temps, pour être partagées entre collaborateurs – techniciens comme décisionnaires, en laissant à nos clients le contrôle total sur les données. »
La jeune pousse a mis en place plusieurs preuves de concept. Après deux ans et demi de recherche et développement, elle commercialisera à l’automne ses premiers drones connectés à Internet par l’intermédiaire des réseaux mobiles 4G/LTE. La solution devrait être officiellement déployée auprès de plusieurs grands comptes industriels, notamment dans les secteurs de l’énergie et du transport ferroviaire. D’ici là, Uavia a lancé une levée de fonds de 1,5 millions d’euros, afin de doubler ses effectifs pour renforcer ses capacités commerciales et garder son avance technologique. Le regard tourné vers les Jeux Olympiques de 2024, les 4 co-fondateurs entendent également étendre leur solution au Moyen-Orient et en Afrique en s’attaquant à de nouveaux challenges : permettre la gestion intelligente de missions alliant drones et robotique terrestre.