Se donner les moyens de produire ensemble la sécurité de demain

27 juillet 2017 : séance publique - examen du projet de loi sur la confiance dans la vie publique, Mme Alice Thourot

Rencontre avec Alice Thourot, Députée de la Drôme, membre de la commission des lois, du groupe Sécurité et co-rapporteur du rapport de la mission parlementaire « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale. »

Dans notre rapport, au concept de continuum, nous avons souhaité avec Jean-Michel Fauvergue, privilégier celui de « sécurité globale », qui correspond mieux à l’idée d’une participation de tous à la construction et à la mise en œuvre d’un dispositif où chacun est mobilisé.

Enjeux prioritaires

Deux thématiques transversales constituent des enjeux prioritaires.

La première porte sur la dimension humaine des acteurs de la sécurité. En effet, les métiers de la sécurité, publique ou privée, nationale ou locale, reposent d’abord et avant tout sur les hommes et les femmes qui les exercent. Bien des progrès peuvent être accomplis afin de renforcer leur professionnalisation mais également leur connaissance réciproque, préalable indispensable aux synergies entre les forces. Nous souhaitons donc par exemple, bâtir une filière complète et intégrée des métiers de la sécurité, de la classe de 3e aux études universitaires supérieures, et favoriser les passerelles entre les différents acteurs de la sécurité.

La seconde s’inscrit dans les attentes et les axes de la police de sécurité du quotidien, dont nous partageons la philosophie. Nous considérons que les services les plus à même d’apporter les réponses les plus adaptées sont d’abord les acteurs de terrain. Les services de l’État doivent être pleinement reconnus et installés comme ceux qui assureront le pilotage de l’ensemble du dispositif. Il s’agit donc de les responsabiliser en leur donnant les moyens d’être encore plus efficaces. C’est à eux qu’il incombera la définition puis la déclinaison des mécanismes de coordination au niveau local. Sur cette base, nous proposons de raisonner désormais par bassin de vie, en permettant aux services de l’État de s’appuyer sur des outils de collaboration qu’ils pourront librement constituer et adapter.

La déclinaison territoriale des politiques partenariales en matière de sécurité est aussi un enjeu clé. Elle sera d’autant plus efficace que, à l’échelon national, les grands acteurs seront organisés de manière à ne parler que d’une seule voix.

Enfin, l’une des clés de la réussite reposera sur la diffusion dune culture de la sécurité dans lensemble de la société. Cette culture doit toucher les citoyens, les entreprises, ou les consommateurs de services de sécurité. Nous souhaitons, et cela figure dans nos recommandations, que le citoyen soit le premier maillon de la chaîne de sécurité. Il est enfin indispensable d’intégrer la dimension cybersécurité dans cette démarche de coproduction de sécurité. Cela doit répondre à l’état de la menace mais aussi aux enjeux de transformation numérique de toute notre société.

Générer une relation de confiance

Avec le secteur de la sécurité privée, la priorité est dabord d’établir une relation de confiance. Cela implique de réaliser des efforts en matière de recrutement, de formation, et de professionnalisation. Nous proposons diffrentes pistes pour faire mûrir le secteur avec des recommandations pragmatiques. Ce volet est un socle essentiel qui permettra de décliner une stratégie de sécurité globale et cohérente.

De l’importance du citoyen

Chacun a un rôle à jouer en matière de sécurité. Et les citoyens souhaitent s’investir. Les outils et les nouvelles technologies peuvent être des atouts dans cette relation à densifier et cette proximité à retrouver.

Si nous prenons le cas de Reporty, l’application expérimentée par Nice et dont la CNIL a demandé l’arrêt, il y a un débat à ouvrir sur le sujet. La CNIL a statué, il ne s’agit pas de revenir là-dessus.

En revanche, aujourd’hui le sujet est important et le débat doit être ouvert. Les citoyens doivent être acteur de la sécurité. Ces applications sont un moyen de les impliquer et de renforcer l’efficacité des acteurs de la sécurité et des secours. Je crois qu’il ne faut pas fermer la porte au débat, aux échanges. Nous devons poursuivre les réflexions en intégrant la protection des données et le respect des libertés individuelles. C’est aussi tout l’enjeu d’un dialogue constructif entre tous les acteurs, un rapprochement des différentes composantes dont les entreprises innovantes proposant des technologies intéressantes font partie. Cela revient aussi à la cybersécurité qui, si elle est intégrée en amont dans les échanges, permettra de lever des doutes et de faire preuve de plus de transparence.

Ouvrir le débat autour des technologies innovantes

Les vidéos, les images quelles qu’elles soient se retrouvent en quelques secondes sur les réseaux sociaux : facebook, youtube… Des altercations sont filmées et se retrouvent sur ces réseaux ouverts, non contrôlés et non règlementés. Il ne faut donc pas se priver de sources d’informations utiles pour la sécurité, en matière de prévention, d’investigation et aussi de répression quand la situation l’exigence. Ce sont aussi des outils qui peuvent permettre une intervention des secours plus rapide et plus fluide.

Mais tout cela, nous sommes d’accord, doit être encadré. Dans le cas contraire, la nature ayant horreur du vide, cela se fera sur des réseaux encore moins encadrés et sécurisés. Les conséquences seront pires et nous perdrons en efficacité.

La reconnaissance faciale est et sera un autre sujet important que nous devrons traiter. Quand on prend le cas concret du terroriste de Berlin qui a traversé l’Europe avant d’arriver à Milan, on comprend tout l’enjeu du déploiement de ces technologies. Certains pays sont en avance sur l’utilisation encadrée de ces technologies. C’est donc un sujet dont il va falloir débattre et nous sommes ouverts au dialogue, avec, encore une fois, tous les acteurs du domaine.

Il en va de même pour le sujet des drones. C’est une technologie qu’il va falloir encadrer. Cela peut passer par des expérimentations. Nous devons réfléchir à tout cela mais nous ne devons en aucun cas nous priver de ces technologies dans un monde connecté où tout va très vite.

Smart & Safe : une approche collective et sur-mesure

Autant de sujet qui font écho à la thématique de la Smart & Safe City, où tous les acteurs ont un rôle croissant à jouer. Pour associer efficacement ces deux enjeux, je ne sais pas s’il y une façon de procéder. Ce que pense en revanche, c’est qu’il faut d’ores et déjà permettre, favoriser et ouvrir le dialogue entre les acteurs. Renforcer le travail collectif en associant toutes les parties prenantes, publiques et privées, smart et safe si je puis dire… Dès lors, une approche globale du projet, porté par le Maire, qui est la clé de voute de ces dispositifs urbains intelligents, connectés, durables, sécurisés, solidaires… est essentiel. Cela fait écho à notre conviction où c’est au niveau des bassins de vie que doit se construire la politique de sécurité. C’est donc une approche sur mesure, en phase avec les besoins et les problématiques de chaque territoire, tout en dialoguant avec ces homologues… et en intégrant les capacités proposées par les entreprises privées innovantes, que nous réussirons ce challenge.
Je sais que beaucoup d’initiatives sont lancées en France en ce sens, c’est encourageant. L’exemple de Dijon est significatif. C’est une initiative qui devrait susciter des vocations…